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Quelles unités ont ouverts et participés à tout les conflits sur le territoire français entre 1870 et 1945 ?

Il existe deux unités qui aujourd'hui ne représentent plus que deux institutions étatiques des plus pacifiques, mais qui, à une époque pas si lointaine, ont non seulement ouverts des conflits majeurs de l'histoire française, mais y ont brillé bien plus que certaines unités militaires mythiques, parfois plus que la légion étrangère ou la vieille garde napoléonienne.

Un indice : l'une de ces deux unités a eu un statut militaire, et fut commandée brièvement lors d'une bataille en Allemagne par le Maréchal Davout, seul maréchal de Napoléon 1er qui ne fut jamais vaincu.

Un second indice : cette même unité est aujourd'hui rattachée au ministère de l'économie et des finances.

 

La Douane

Héritière de "la ferme générale", la Douane est pour la première fois créée en tant que telle et dotée d'un uniforme en 1801 par Napoléon 1er, qui créera par la même occasion les codes des Douanes leur donnant les pouvoirs que nous connaissons encore aujourd'hui. Composée de civils mais aussi, pour une grosse part, de vétérans à qui l'on réserve des postes, la Douane va pour la première fois s'illustrer en 1813 sous les ordres du Maréchal Davout et sous le nom du 2è Régiment des Douanes Impériales, lors du siège d'Hambourg. Lors cette bataille, la compagnie des guides, compagnie d'élite du régiment, deviendra la garde personnelle du Maréchal. Aussi, dû à la désertion dans la Grande Armée lors de la retraite de cette dernière, les Douanes souvent résisteront seules jusqu'au bout de leur moyen lors de trois batailles : Thionville, Rodemarck et Sierck. C'est à la suite de ces faits d'armes, et une fois que la période napoléonienne fut passée, que Louis-Philippe 1er, alors Roi de France, décide de constituer par les ordonnances de mai 1831 et septembre 1832 : le corps militaire des Douanes. C'est à la suite de la conquête de l'Algérie et à la bravoure des douaniers, que le Maréchal Bugeaud leur accorde le port de la grenade à 7 flammes ; symbole des régiments d'élite uniquement porté par les régiments suisses, la légion étrangère et la gendarmerie, soit moins de 10 000 des plus de 800 000 militaires de l'époque.

Mais c'est en 1870 que la Douane va réellement se distinguer en ouvrant chacun des conflits territoriaux jusqu'à sa démilitarisation en 1946. Le 23 juillet 1870 vers 22 heures en Moselle à Schreckling, le préposé des douanes Pierre Mouty, fut la première victime du conflit après qu'il eut refusé de se rendre ; ce ne sera que 5 jours plus tard que l'armée connaîtra sa première victime, le 28 juillet 1870. Les douaniers combattront alors dans plusieurs batailles, à Strasbourg où ils seront les seuls à faire des prisonniers, ou encore sous les ordres du colonel du génie Denfert-Rochereau à Belfort, qui ne déposera jamais les armes et demeurera française. Enfin, lors du siège de Paris, les douaniers seront plusieurs milliers à venir renforcer les militaires protégeant la Capitale. Malgré tout, bien que les douanes soient militaires, les douaniers garderont, malgré de nombreux débats, le statut de fonctionnaire civil. Néanmoins, leurs faits d'armes leur permettront d'obtenir certains avantages et certaines indemnités réservées aux militaires.

Lors de la première guerre mondiale, c'est un douanier qui est le premier blessé du conflit, le préposé Laibe, mais c'est le 2 Août que le lieutenant Parachie et ses hommes, vont ouvrir le conflit en désarçonnant un cavalier qui sera alors le premier prisonnier de guerre. Lors du siège de Longwy la compagnie des douaniers du capitaine Genesseaux est citée à l'ordre de l'armée pour sa brillante conduite. Au moment de l'offensive de Champagne en 1915, les douaniers, en raison de leur meilleure connaissance du terrain et de la population, sont préférés, après avoir subi un entraînement spécifique, aux militaires pour être déposés de nuit par aéronefs en territoire occupé par l'ennemi pour effectuer des missions de renseignement ou de sabotage. La plupart de ces missions sont couronnées de succès et les sabotages contribuent à déstabiliser le dispositif ennemi. Des renseignements précieux sont transmis à l'état-major par les pigeons voyageurs emmenés pour l'occasion. Les douaniers seront également utilisés comme troupe du génie et comme gendarmerie prévôtale. Le 14 juillet 1919, les douaniers défilent drapeau en tête sur les Champs Élysées. Le 21 janvier 1921 à Strasbourg, le général Humbert commandant la place, remet au drapeau des bataillons douaniers la Croix de guerre 1914-1918 avec palme, pour la citation à l'ordre de l'armée attribuée à la compagnie des douaniers de forteresse de Longwy. Cette distinction honorait l'ensemble du corps des douanes.

Lors du second conflit mondial, les douaniers sont encore appelés, ils vont alors servir de guides aux militaires pour effectuer des opérations contre les avant-postes ennemis le long de la ligne Maginot. C'est encore une fois un douanier, Alphonse Marchel du 8è bataillon de Douaniers qui sera l'un des premiers tués du conflit le 10 Janvier 1940. Au moment du « blitz », les bataillons douaniers subissent le sort des unités de l'armée. La retraite est ainsi parsemée de multiples combats où, comme au siège de Hambourg plus d'un siècle auparavant, la baïonnette est souvent utilisée. Citons en particulier la défense du fort du Larmont supérieur dans le secteur de Pontarlier par les douaniers du 10e bataillon de Besançon qui ne déposera les armes qu'à l'heure où l'armistice est signé. Quant au 9e bataillon de Mulhouse, acculé par les Nazis, il préfère passer en Suisse neutre (où les douaniers connaîtront un internement des plus doux) emmenant avec lui quelques prisonniers allemands, plutôt que d'être fait prisonniers.

Durant l'Occupation, les douaniers continuent à remplir leurs fonctions sur la ligne de démarcation ou aux frontières des Pyrénées. Ils seront aussi préposés à la garde de certains camps d'internement. Un certain nombre de douaniers prendront une part active à la résistance, certains seront même déportés et ne reviendront jamais des camps. D'autres choisissent de quitter clandestinement la France et combattront dans les rangs des forces françaises libres ou de l'armée française de la Libération.

En Extrême-Orient, lors « du coup de force japonais » en Indochine du 9 mars 1945, les douaniers forment des « maquis » qui harcèlent les troupes du Mikado jusqu’à l'arrivée du corps expéditionnaire du général Leclerc. Citons en particulier les douaniers de la brigade de Donghene au Laos, sous les ordres du sous-brigadier Antoine Paysant, qui mènent des actions de guérilla qui permettent un temps de déstabiliser l'adversaire. Mais, dénoncé, Paysant sera capturé et connaîtra les sévices infligés par la Kenpeitai, la police secrète japonaise, équivalente nippon de la Gestapo. Enfin libéré, il est cité en des termes élogieux et reçoit la Croix de guerre 1939-1945.

Quant à la flottille des douanes d'Indochine, elle mène depuis la Chine où ses bâtiments armés ont réussi à s'enfuir, des actions de type « commando » contre les positions ennemies jusqu’à la capitulation de « l'empire du soleil levant » . Créé officiellement au lendemain des guerres du Premier Empire, le corps militaire des douanes disparaît dans la tourmente de la débâcle de 1940 et ne fut jamais reconstitué après guerre. Ainsi prenaient fin près de 150 années d'histoire de la douane au service des armes de la France. Néanmoins, aujourd'hui encore, le drapeau des Douanes est le seul drapeau civil à devoir être salué par les autorités militaires.

 

L'ONF

Autre unité mythique, l'Office National des Forêts a énormément influé sur les cours des batailles. C'est Louis XVIII qui restaure l’administration forestière avec son ordonnance du 26 avril 1824 relative à l’Administration générale des Forêts et créant notamment une direction générale, et remet au goût du jour la foresterie de Colbert. C’est également en 1824, dans l’ordonnance que Charles X prend aux Tuileries le 1er décembre, que l’École royale forestière de Nancy voit le jour grâce au sous-inspecteur Bernard Lorentz, et en 1827 que naît le premier « Code forestier ». Les Eaux et Forêts se voient confier d’autres missions, comme la restauration des terrains de montagne, et des torrents. Le ministre de la guerre décide, par l’ordonnance du 4 août 1831, d’utiliser les gardes forestiers comme guides. Les guides forestiers appelés en tant de guerre représentent la moitié des gardes forestiers en tant de paix. Trois lois sur la forêt sont par la suite adoptée, dont la loi du 3 mai 1844 instituant le permis de chasse. Mais il faudra attendre la fameuse guerre de 1870 pour que les gardes-forestiers, à l'inverse de leurs collègues douaniers, ne demandent et obtiennent leur passage sous le giron militaire devant officiellement chasseurs forestiers. 

L’instruction militaire, dispensée 7 heures par semaine, entra alors à l’école de Nancy, dont les élèves sortaient avec le grade de sous-lieutenant et étaient affectés dans une unité de chasseurs forestiers. Lors de la revue de l’armée du 14 juillet 1880, le président de la République tenait en bonne place les chasseurs forestiers, et remit alors au lieutenant-colonel Carraud, inspecteur général des Eaux et Forêts, Commandant du régiment des forestiers à Paris en 1870, un drapeau flambant neuf. Le porte-drapeau désigné est le sous-lieutenant Panisset, garde général-adjoint des Eaux et Forêts. Ce jour-là, le corps militaire des forestiers défilait en tête d’armée. Le décret 18 novembre 1890 oblige les élèves de Nancy à s’engager pour 3 ans, dont une année comme sous-lieutenant dans une unité d’infanterie. Ce décret modifie également l’organisation, distinguant alors les conservateurs, les inspecteurs, les inspecteurs adjoints, les gardes généraux et gardes généraux stagiaires. Bien que les chasseurs forestiers restent avant tout des forestiers et des militaires peu entraînés, le nombre de chasseurs forestiers s'établit seulement à 6 500 agents et 280 officiers. Ce personnel était armé et équipé comme l’infanterie, mais l’uniforme réglementaire reste celui de l’administration forestière.

Mais les deux grandes guerres prennent une importance capitale dans l’administration forestière. Pour illustrer ceci : la 1re compagnie de chasseurs forestiers, basée à Épinal en 1914 rassemble les préposés forestiers âgés de 25 à 48 ans. En tant de paix, ils exercent leurs fonctions administratives dans la 21e région. Cette compagnie comprend 4 officiers et 220 chasseurs. Elle a pris part aux combats dans les Vosges et dans le nord de la France. Le 4e bureau de l’état-major de l’armée crée une commission des forêts dont le travail est principalement de "préparer par tous voies et moyens la constitution des approvisionnements des bois de toutes espèces pour les besoins de l’armée".

En 1914, le ministre de la Défense modifie le fonctionnement des chasseurs forestiers. Les préposés doivent avoir moins de 48 ans. Les chasseurs forestiers font partie des « troupes d’élites » et en portent les signes distinctifs. En temps de paix, le personnel sert à assurer la continuité du service forestier et sa surveillance. En temps de guerre, les chasseurs forestiers sont alors intégrés dans les 1re lignes, et servent de guides et d’informateurs de l’armée. C’est pourquoi on trouve aujourd'hui sur le monument aux morts de l’école nationale de Nancy, le nom de 96 anciens élèves, jeunes officiers, tués pendant la Grande Guerre. Egalement le grand nombre de chasseurs blessés et invalides que cette guerre a occasionné. De ce fait, la gestion forestière française a vécu une crise durant une quinzaine d’années, mais qui fut comblée après 1930.

Les chasseurs forestiers furent alors rattachés au Génie, dans le service forestier des armées (SFA) à la demande du général en chef Maistre dans l’instruction du 25 juillet 1915. L’objectif était l’approvisionnement en bois de l’armée française, que ce soit en bois de chauffage, bois de construction, bois de mines, traverses de chemins de fer ou piquets. Un grand nombre de chasseurs forestiers fut décoré et l’école forestière de Nancy reçoit alors la Légion d'honneur et la Croix de guerre 1914-1918. La moitié des fonctionnaires supérieurs mobilisés des 87e, 88e, 89e, et 90e promotions sont décorés de la Croix de guerre, et trois sont chevaliers de la Légion d’honneur. Les chasseurs forestiers défilèrent sur les Champs-Élysées le 14 juillet 1919 pour le défilé de la victoire avec le drapeau qui leur avait été remis le 14 juillet 1880. Les chasseurs forestiers de l’armée sont dissous le 3 juin 1939, et redeviennent l’Administration Civile des Eaux et Forêts. Le drapeau est remis est la garde de l’école forestière de Nancy. Il s’agit ici d’un grand privilège car il aurait dû être remis aux Invalides avec tous ceux des unités dissoutes. Aussi, l'ONF garde aujourd'hui encore ses grades et son fonctionnement militaire, tout comme les sapeurs forestiers, corps indépendant dont les missions sont assez proches des chasseurs forestiers d'antan.

 

La Garde Municipale de Paris

Paris était doté d’une garde spécifique, chargée à la fois de la police et des missions d’escorte, et héritière du guet royal de Paris créé par Saint-Louis. Celui-ci devient la garde de Paris en 1750. Dès le 13 juillet 1789, celle-ci choisit de servir l’Assemblée nationale. Elle est dissoute en 1791, et Paris n’a plus de garde spécifique : la police y est désormais assurée par huit divisions de Gendarmerie (Gendarmerie nationale parisienne) jusqu'en 1793, puis par une légion de police jusqu'en 1796. Ensuite, les patrouilles et la garde des bâtiments publics sont assurées uniquement par la Garde nationale, formée de citoyens. Cependant, ceux-ci délaissaient de plus en plus leur service, en payant des remplaçants. Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, crée en 1802 la garde municipale de Paris. Elle est formée de deux demi-brigades (qui deviennent deux régiments en 1804). Elle est recrutée parmi les anciens militaires, comme la Gendarmerie nationale, âgés d’au moins 30 ans et de moins de 40, mesurant plus de 1,65 m, et sachant lire et écrire. Ils doivent avoir cinq campagnes à leur actif pour pouvoir porter candidature, s’engager pour au moins dix ans, et plus prosaïquement, être porteurs d'un congé signé par les autorités militaires.

Composée de soldats aguerris, encore jeunes, et dans un contexte de guerres fréquentes, la garde municipale est fréquemment appelée à renforcer l’armée d’active. Dès 1805, elle est mise à contribution comme force d’appoint de la Grande Armée. D'octobre 1805 à février 1806, elle participe ainsi, par l’envoi de deux bataillons et de son escadron de dragons, à l’occupation des Pays-Bas ; elle occupe ensuite sans combattre AnversArnhem et Nimègue. Le mois d'octobre 1806 voit la formation d’un régiment de marche de 1 212 hommes, commandé par le colonel Rabbe. Il marche sur Kassel, puis Hambourg. En janvier 1807, il est au siège de Dantzig. Il mène la charge permettant l’occupation de l’île d’Holm, qui achève l’investissement de la ville. Il participe à la mise en échec d’une tentative de percée des Russes le 15 mai. Après la reddition du maréchal Kalkreuth et la prise de la ville, il est intégré au corps de réserve du maréchal Lannes, qui se retrouve en avant-garde à la bataille de Friedland. Le régiment est retranché à Posthenen, et empêche la progression des Russes, dix fois plus nombreux, pendant neuf heures. Cette bataille est son plus grand titre de gloire.

En 1808, la garde municipale de Paris envoie deux bataillons au 2è corps d'observation de la Gironde, formés des légions de réserve, de Suisses et d’infanterie légère. Ces troupes, sous le commandement du général Dupont, entrent en Espagne en novembre. Les gardes parisiens prennent le pont d'Alcolea, qui ouvre la route de Cordoue, mais sont faits prisonniers à la bataille de Bailén, le 22 juillet. Ils se distinguent à Burgos en 1812.

Le 23 octobre de la même année, le général Malet tente un coup d’État. Il se présente à l’état-major de la garde municipale en annonçant la mort de Napoléon et avec un faux senatus-consulte, plaçant la garde sous ses ordres. Le colonel Soulier, par naïveté, obtempère. Le coup d’État est déjoué quelques heures plus tard, mais les sanctions sont dures pour la garde municipale de Paris : le colonel est fusillé avec les conspirateurs le 29 octobre, et le régiment d’infanterie est licencié le 30 décembre avant d'intègrer le 134e régiment d’infanterie de ligne, qui est décimé lors de la campagne d’Allemagne. Les dragons, qui ne sont pas impliqués, sont versés dans la Garde impériale. La gendarmerie impériale de Paris est créée en 1813 avec des vétérans des légions de gendarmerie d’Espagne. L'histoire suivra, jusque dans les années 80, où la Garde Républicaine de Paris devena la Garde Républicaine.

 

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