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[Billet d'opinion] Revenu à vie et armée

Le revenu à vie (ou de base), s'il doit être évoqué, doit aussi être réfléchi dans ses implications sur la société jusqu'aux moindres détails.

Je suis personnellement favorable à l'existence de ce revenu, et c'est pourquoi j'ai tenté une réflexion sur les conséquences qu'aurait un tel bouleversement sociétal sur nos armées. Il faut ici alors invoquer tout le spectre des sciences humaines, ce pourquoi je ne suis pas totalement qualifié ; en résulte une étude très certainement partiale.

Plus de technicité, moins de personnels au recrutement.

Aujourd'hui, toutes les armées recrutent une forte quantité de personnels équivalent "ouvriers" ou "catégorie C" de la fonction publique. Ces derniers sont appelés, au sein des armées, "militaires du rang" ou "volontaires". Leurs caractéristiques primaires sont les suivantes : faible niveau de diplôme (parfois aucun), faible niveau de technicité, nombre de personnels disponibles au recrutement assez fort.

Avec l'arrivée d'un revenu à vie, la population aurait tendance à rejoindre le marché du travail plus tard, voir pour certains à ne pas le rejoindre.

En cause : d'un côté la préférence à un très haut niveau de formation pour s'assurer un emploi, de l'autre un marché du travail qui verrait une importante partie de ses personnels se faire "robotiser".

Assurément, la première conséquence du revenu à vie est donc de provoquer une "surqualification" des personnes qui chercheraient à être recrutées par l'armée. C'est d'ailleurs déjà le cas aujourd'hui avec la démocratisation du Baccalauréat, il y'a une surpopulation des candidatures de sous-officiers mais une sous-population dans les candidatures de militaires du rang.

Aujourd'hui, plus de la moitié des militaires du rang sont titulaires d'un Baccalauréat, lorsque ce n'était pas le cas dans les années 90, où seulement 10% des soldats en étaient titulaires.

Cela a donc une répercussion : les militaires du rang, peu payés et sur-qualifiés dénoncent leurs contrats très tôt (six ans contre huit ans dans les années 90) et de moins en moins passent la porte du recrutement. 

Avec l'avènement du revenu de base, il y'aurait une double conséquence : la baisse de la précarisation financière (voir sa disparition quasi-totale) et l'allongement des études. L'armée en sera grandement impactée car elle recrute une grosse partie (30%) de ses effectifs de militaires du rang dans une partie de la population plutôt précaire. Ensuite, si les études apportent un avantage indéniable : la possibilité de rendre plus techniques nos armées, cela va rendre compliquer le recrutement. Les effectifs voudront un meilleur salaire, de meilleures perspectives d'évolution et de reconversion, etc.

Il faudra donc jouer entre la nécessité d'avoir un nombre suffisants de soldats pour armer les différentes composantes de l'armée et les matériels qui y sont associés, tout en assurant le recrutement nécessaire à ce premier point, un recrutement qui s'avérera de prime abord difficile.

La solution serait, évidemment, d'essayer d'aller chercher vers une armée qualitativement supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui, mais cela suppose un investissement, tant en terme de salaire, de formation que d'équipement, plus conséquent.

L'autre solution serait de remettre le service civique et/ou militaire en place. Cela permettrait de garder une main d'oeuvre "basse", nécessaire à l'emploi des forces armées, tout en donnant une expérience professionnelle à certains et aussi d'éviter la "précarisation physique" que causerait le revenu à vie en poussant certains à "s'enfermer chez eux".

C'est une solution parfaitement envisageable et qui peut s'envisager sous le signe de l'humanité, en respectant les moeurs, comme cela est fait dans les pays scandinaves.

Un changement de légitimité de l'armée

Michel Goya en a maintes fois parlé, mais le soldat est porteur d'une force légitime, celle de la violence légitime d'Etat. La violence nécessaire à la paix. Mais l'Etat (quel qu'il soit) lui-même peut parfaitement lancer des guerres légitimes (Mali, Centrafrique) ou illégitimes (Irak, Libye).

Or une population éduquée et qui a le choix de servir ou de ne pas servir et dont la conscience morale est parfaitement éduquée aura déjà des réticences à engager sa propre vie plutôt que de servir un autre intérêt (écologie, recherche scientifique, etc.), mais pourra tout à fait avorter son contrat face à des conflits qui s'avèrent illégitimes.

Et c'est là où il faudra que l'Etat s'attache à respecter des principes d'engagement qui devront être indiquées préalablement à l'engagement, et qui devront ainsi être scrupuleusement respectés.

Ces principes d'engagement de la force légitime d'Etat, que je ne peux définir à moi tout seul, auront à coeur d'inclue tous les principes moraux humanistes, égalitaristes voir écologistes, en phase avec l'actuelle génération et société, sans quoi aucun recours à la force ne pourrait être effectué avec la pérennité nécessaire à sa bonne application.

En sommes cette armée du futur devra être une armée de techniciens animés par des principes de chevaliers blancs. Et si quelques écarts à cette exagération sont évidemment permis, il n'en reste pas moins que c'est un grand travail qui attend le monde politique pour se défaire de leurs mauvaises pratiques des codes déontologiques et de la démocratie.

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