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[Parlons des héros modernes] Seconde partie - La puissance des baïonnettes

Je continue ici une série d'articles sur les passages peu connus des conflits modernes. Ces articles couvriront toutes les armées, françaises ou étrangères, et tout les corps d'armée. Le but n'est pas tant d'en faire de la propagande, que de raconter des perles tactiques ou montrer la valeur de certains personnels.

L'armée française, consistante dans son Histoire, est la créatrice de beaucoup de doctrines et de principes qui régissent aujourd'hui la plupart des armées du monde. Malgré les soubresauts et tumultes politiques, la stratégie militaire française brillera sous les différents régimes qui composent son histoire. 

De Clovis et la bataille de Soissons à Grégoire de Saint-Quentin et l'Opération Serval au Mali, en passant par François 1er et Marignane ou simplement, la France et les Français et la Bataille de Valmy ; l'armée française possède un taux de victoire d'approximativement 76%, bien plus élevé que la moyenne européenne de 43% ou étasunienne de 56%.

La France est donc une puissance militaire majeure de par ses deux capacités fétiches : la mobilité et la rusticité.

Assurément encore aujourd'hui, par la création du programme FELIN (Fantassin à Equipement et Liaisons Intégrés - le soldat du futur), ainsi que diverses innovations militaires améliorant ses deux caractéristiques précitées, l'armée française reste un atout de poids, tentant de concilier des opérations de même envergure que celles qui ont pu faire la gloire de son passé, tout en faisant des efforts vers la professionnalisation et donc la réduction des effectifs.

Il serait donc facile de vous conter des histoires modernes, comme la technique du Zorro en Centrafrique, l'Opération Onyx ou l'utilisation des hélicoptères sur le sol lybien ... mais si ces histoires sont facilement trouvables sur le net, il est de meilleur ton de vous conter le récit du pont de Verbanja.

27 Mai 1995, Sarajevo

Deux bataillons français de Casques bleus sont présents à Sarajevo depuis 2 ans et demi, le 3è Régiment d'Infanterie de Marine en fait partie et ce jour-là, ils vont anonymement rentrer dans l'Histoire de France, avec le panache préalable à toute bonne histoire de guerre française.

Dans la nuit du 26 au 27 Mai 1995, une unité bosno-serbe va prendre position, par surprise, dans un des postes du Bataillon et dont les occupants, militaires français, seront pris en otage. Il est décidé qu'aucune négociation ne sera faite, et que ce poste sera repris par les armes pour montrer toute la détermination de l'armée française.

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7h30

La section des Forbans du 3è RIMa reçoit alors ses ordres en ce matin gris du 27 Mai 1995. L'ordre est simple : reprendre le poste français du pont de Verbanja.

À 8h45, les militaires y sont presque, ils longent alors le cimetière juif qui borde le pont à quelques centaines de mètres. Des sections de tireurs de précision et anti-chars sont sur des positions surélevées, et des AMX-10RC du Régiment d'Infanterie de Chars de Marine, y sont disposés de même.

Premier obstacle à 100 mètres du poste : les barbelés. Les soldats français l'avait prévu et ont emmenés avec eux des "portes" pour passer au-dessus ... mais ces dernières sont restées avec les sections d'appui. Pas grave, avec l'aide des tirs d'une unité d'auxiliaires bosniaques, ils dévalent la colline en contournant les barbelés en hurlant, baïonnette au canon, puis se jette dans la tranchée à 50m du poste. 

S'ils sont tous en équipement très lourd, celui prévu pour les gardes fixes, ils ne portent pas tous l'uniforme de combat. Certains sont en uniforme de cérémonie, une passe d'arme étant prévue ce jour-là.

C'est au tour d'un deuxième groupe de s'élancer, seulement ils ne peuvent pas non plus franchir les barbelés, et cette fois-ci des tirs se font sentir depuis l'autre côté du pont. Impossible de dévaler la même pente. 

D'un coup, le bâtiment d'où provient les tirs ennemis est touché par un obus de 90mm, puis des rafales de mitrailleuses et de canon de 20mm : le RICM est passé à l'action. Littéralement "enveloppé" dans une bulle de tir, la section du 3è RIMa est touchée, quatre des 40 soldats sont blessés à des degrés divers. 

Plutôt que de s'en tenir au plan (consistant à prendre 3 points simultanément du poste), le chef de section va décider de s'enfoncer dans les barbelés. À la surprise générale, la section opère un virage à 90° et traverse tous les barbelés les séparant du poste, deux autres marsouins sont touchés dont l'infirmier qui fait demi-tour malgré une perforation du poumon. 

La section opère un autre virage, en fonction des barbelés, en plein sur le pont, l'un des mitrailleurs est touché au niveau de la tête. Alors que le chef de section arrive au niveau de la porte du poste, son FAMAS s'enraye mais ce dernier poursuite, chargeant la porte. Il lance une grenade, s'arrête puis reprend sa charge.

La section suit, collée au chef de section, bien décidé à embrocher un serbe. Néanmoins, sur les quarante, ils ne sont plus que 10, entre les blessés, ceux qui tentent de les sauver et ceux qui ont peur. Deux autres soldats vont "ouvrir" les deux autres entrées, notamment celle des WC où une grenade est lancée.

Le troisième homme essuie alors des tirs provenant du fond du poste, le chef de section tente de lancer une grenade, mais une bonbonne de gaz lui est lancée dessus. Le poste commence à s'enflammer, un serbe s'élance vers le chef de section qui reçoit un coup baïonnette dans l'oeil et tombe. L'adjoint rentre à son tour, reprenant le commandement et abat deux serbes dont un criera en souriant : "Français, bon combattant !"

Le chef de section se relève, sort et est immédiatement repoussé dans le poste par le souffle d'une grenade. Pendant ce temps-là, les autres serbes ont réussi à s'enfuir avec les prisonniers en fonçant dans l'une des portes gardée par un seul homme. L'un des soldats ayant grimpé sur le toit meurt, il s'agit du Marsouin Jacky Humblot. Un autre soldat du 3è RIMa meurt ce jour-là, le Caporal Marcel Amaru, alors en soutien avec une mitrailleuse 12.7 à 500m de l'action, il sera abattu par un tireur de précision serbe. Il faut aussi compter les 17 blessés, de l'autre côté l'ennemi a perdu 4 personnels et la section en a capturé 4 autres. Les militaires ignorent les blessés ou pertes de l'autre côté du pont chez les serbes.

Cette bataille est symptomatique de la guerre en Bosnie-Herzégovine, des conflits semi-urbains, très ouverts et très à distance. Avec beaucoup de massacres tant civils que militaires, et contre des unités entraînées, souvent d'ex-militaires professionnels. Ironiquement, beaucoup de miliciens de ces guerres, iront servir Al-Qaïda lorsqu'ils sont de confession musulmane, et aujourd'hui servent au sein de l'Etat Islamique.

Et pour rendre à César ce qui est à César, les protagonistes expliquent exactement ce qui s'est passé dans la vidéo qui suit.





 

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